Entre chien et loup – par Valérie Belmokhtar
Des matières, des lumières, des reflets. Le visage est bleu-gris, coulant, c’est la sculpture Ojos… La matière du feu est restée. Ces allures de pureté et d’innocence des personnages sont si touchantes, si présentes, dans Feü-Faé aux reflets or et opalescents ou encore dans L’enfant-nuit d’un marbre noir profond.
Feü-Faé est ma préférée, toutes les œuvres présentées sont intéressantes mais celle-ci résonne particulièrement pour moi, elle est touchée par la grâce. Je pense à Camille Claudel. Est-ce que cela vient de son doux visage endormi qui rêve ? Est-ce sa couleur gris-bleu mais aussi cette teinte « algue » si mystérieuse ? Ou bien est-ce cette lumière qui vient de l’or émanant du petit animal en proue de la sculpture et qui se reflète dans le visage ?
Ces œuvres me touchent et me transportent comme lors d’une précédente exposition que j’avais vue à Roubaix à la galerie ‘Le Fil rouge’. C’est la troisième fois que je viens rencontrer les pièces de Bertrand Secret. Chaque fois c’est un enchantement et un moment contemplatif intense. Un rendez-vous avec l’art sensible et sincère. C’est donc un instant rare, hors du temps. Je savoure ; la vue et tous les sens sont à la fête.
Cette fois-ci dans l’exposition à la galerie ‘Talents Opéra’, la matière s’enrichit, je discerne comme des collages et gravures dans la « chair » sur la surface de certaines des sculptures. Il y a toujours ce mystère et ces murmures. On est dans la forêt, l’humus est sous nos doigts, on entend les feuilles bruisser, peut être un animal se cache- t-il derrière un arbre. Des rais de lumières tombent sur les visages des personnages de rêve. Quel que soit l’écrin qui abrite ces œuvres, chaque fois la magie semble opérer. Ici les murs violet pourpre mettent bien en valeur les sculptures, ils font dialoguer les bleu-vert, les gris-bleu entre chien et loup à la tombée de la nuit, c’est l’heure bleue, celle des poètes.
Nous sommes en présence d’un monde puissant, avec ses divinités, ses enfants sauvages, ses rêves enfouis, ses langages oubliés, ses murmures et ses cris sourds. Le lien avec la terre, cette « materia prima », y est pour beaucoup dans la magie, certes mais c’est le travail de volume, de texture et de couleurs effectué par l’artiste qui est époustouflant. On dirait qu’au primitif se mêlent le sacré et l’or, les deux réunis dans une parfaite symbiose. Le mariage des forces telluriques et cosmiques dont le sacrement fut des noces de feu. L’artiste alchimiste a transformé la terre en or, la boue en monde somptueux, le chaos en civilisation des enfants sauvages.
Animaux, humains et divinités se retrouvent tous ensembles mêlés, formant la faune sensible d’une forêt imaginaire délicate, profonde et infiniment belle car vivante.
Valérie Belmokhtar
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